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tient qu’à cela, qu’il vous die seulement ce qu’il veut, car je le luy donneray. – Ce sera, luy dis-je, une espece de rançon que vous payerez pour ce cœur. – Ce n’est pas, me respondit-elle, de ceste monnoye que je la dois payer, c’est de mes larmes, et celles-là estans taries, de mon sang.

Peut estre fut-elle marrie de m’en avoir tant dit. Tant y a qu’elle me commanda le matin de parler à Fleurial, ce que je fis, et luy representay tout ce que je creus qui le pouvoit esmouvoir à me donner ceste lettre, jusques à le menacer, mais tout fut en vain, car pour resolution, il me dit : Voyez-vous, Leonide, quand le ciel et la terre s’en mesleroient, je n’en feray autre chose. Si ma dame veut sçavoir ce que j’ay à luy dire, il fait si beau le soir : qu’elle vienne avec vous jusques au bas de l’escalier qui descend de sa chambre, la lune est claire, je l’ay veue bien souvent y venir, le chemin n’est pas long, personne n’en peut rien sçavoir. Je m’asseure que m’ayant ouy, elle ne plaindra point la peine qu’elle aura prise. Quand il me dit cela, je me mis en extreme colere contre luy, luy representant qu’il devoit obeir à Galathée, et non point à Lindamor, qu’elle estoit sa maitresse, qu’elle luy pouvoit faire du bien et du mal, bref qu’il n’y avoit point d’apparence qu‘elle deust prendre ceste peine. Mais luy, sans s’esmouvoir, me dit : Nymphe, ce n’est pas Lindamor que j’obeis, mais au serment que j’en ay fait aux dieux. S’il ne se peut de ceste sorte, je m’en retourneray plustost d’où je viens.

Je le laissay avec son opiniastreté, tant ennuyée que j’estois à moitié hors de moy, car si j’eusse sceu le dessein de Lindamor, puis que la chose estoit tant avancée, sans doute je luy eusse aydé ; mais ne le sçachant pas, je trouvois Fleurial avec si peu de raison que je ne sçavois que dire. Enfin je m’en retournay faire sa response à Galathée, qui fut tant en colere