Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/476

Cette page n’a pas encore été corrigée

Nullement, me dit-il, au contraire il vous prie de faire tousjours croire à la nymphe qu’il est mort ; mais pour son bien et pour mon advantage, il faut que la nymphe reçoive ceste lettre de mes mains.

Je me mis certes en colere, et luy en eusse bien dit d’avantage, si je n’eusse eu peur que l’on s’en fust apperceu : mais il fit si bien ce qui luy avoit esté commandé, que je n’en peus tirer autre chose, sinon pour conclusion, que si la nymphe vouloit ce qu’il avoit à luy donner de Lindamor, il falloit qu’elle le prist de sa main. Et quand je luy disois qu’il demeureroit long temps à luy pouvoir parler, et que cela la pourroit offenser, il ne me respondoit sinon d’un branslement de teste, par lequel il me faisoit entendre qu’il n’en feroit rien.

Galathée, qui s’estoit apperceu de nostre discours, desireuse d’en sçavoir le sujet, se retira du promenoir plustost que de coustume, et m’ayant appellée en particulier, voulut entendre ce que c’estoit. Je luy dis franchement, je veux dire pour ce qui estoit de la resolution de Fleurial, mais au lieu de la lettre, je luy dis que c‘estoit le cœur de Lindamor et qu’en toute sorte luy ayant esté commandé par luy à sa mort, il croiroit user de trahison s’il n’observoit pas sa promesse. Alors Galathée me repondit comment il entendoit de luy pouvoir parler en particulier, qu’il luy sembloit n’y avoir point d’autre moyen que de faindre de luy apporter des fruits dans un panier et qu’au fonds il luy mist le cœur.

Je luy respondis alors, que cela se pourroit bien faire ainsi, mais que je le cognoissois pour si brutal qu’il n’en feroit rien, parce que l’avarice luy faisoit esperer d’avoir beaucoup d’elle, s’il luy representoit luy mesme [en luy remettant ce cœur entre les mains) les services qu’en ces occasions il luy avoit rendus. O ! me dit-elle, s’il ne