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au mieux qu’il peut, il respondit d’un langage villageois, qu’elle estoit hors de danger. Et apres suivit une reverence de mesme au langage , avec une telle grace que toutes les nymphes s’en mirent à rire. Mais luy sans en faire semblant, remet son chappeau avec les deux mains sur la teste, et reprend son ouvrage.

Galathée en sousriant, dit à Fleurial : Si vostre cousin est aussi bon jardinier que bon harangueur, vous avez trouvé une bonne ayde. – Madame, luy dit Fleurial, il ne peut mieux parler que ceux qui l’ont appris, en son village ils parlent tous ainsi. – Ouy, dit la nymphe, et peut estre encor est-il tenu pour un grand personnage entr’eux. Et à ce mot elle reprit son promenoir.

Cela me donna un peu plus de commodité de parler à Fleurial, car mes compagnes pour passer leur temps se mirent toutes à l’entour de Lindamor. Et chacune pour le faire parler luy disoit un mot, et à toutes il respondoit, mais des choses tant hors de propos qu’il falloit rire par force, car il les disoit d’une sorte qu’il [358/359] sembloit que ce fust à bon escient, et quoy qu’il leur respondist, il ne levoit jamais la teste, feignant d’être attentif à son labeur.

Cependant m’approchant de Fleurial, je luy demanday comme se portoit Lindamor. Il me respondit qu’il estoit encor assez mal : Lindamor luy avoit commandé de me le dire ainsi. – Et d’où vient son mal, luy dis-je, puis que tu me dis que ses blessures estoient des-ja presque gueries ? – Vous le sçaurez, me respondit-il, par la lettre qu’il escrit à madame. – Madame, luy dis-je, a opinion qu’il soit mort. Mais donne-la moy et je la luy feray voir, faignant qu’il y a long temps qu’il l’a escritte. – Je n’oserais, me respondit-il, parce qu’il me l’a expressément deffendu, et qu’il m’y a astreint par serment. – Comment, luy dis-je, Lindamor entre-t’il en meffiance de moy ? –