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la nuict ne luy sembla estre plus longue que de coustume, celuy qui aura esté en quelque attente de ce qu’il desire, en pourra juger. Tant y a que le matin ne fut plustost venu, que Lindamor avec une besche en la main se met au jardin. Je voudrois que vous l’eussiez veu avec cet outil : vous eussiez bien cogneu qu’il n’y estoit guiere accoustumé, et qu’il se sçavoit mieux aider d’une lance. Depuis il m’a juré cent fois que de sa vie il n’eut tant de honte que de se presenter vestu de ceste sorte devant les yeux de sa maitresse, et qu’il fut deux ou trois fois en resolution de s‘en retourner, mais en fin l’amour surmonta la honte et le fit resoudre d’attendre que nous vinissions.

De fortune, ce jour la nymphe pour se desennuyer, estoit descendue au jardin avec plusieurs de mes compagnes. Aussi tost qu’elle apperceut Fleurial, elle tressaillit toute, et incontinent me fit signe de l’oœil. Mais quoy que j’essayasse de parler à luy, je ne le peus faire, parce que le nouveau jardinier estoit tousjours aupres, qui estoit si changé en cet habit que nulle de nous ne le peut recognoistre. Quant à moy, je m’excuse si je ne le cogneus pas, car je n’eusse jamais pensé qu’il eust fait ce dessein sans m’advertir, mais il me dit depuis qu’il me l’avoit celé, sçachant bien que je ne lui eusse jamais permis de venir en ce lieu de ceste sorte. Pensant donc à tout autre qu’à luy, je fus bien assez curieuse pour demander à Fleurial qui estoit cet estranger ; il me respondit froidement que c’estoit le fils de sa tante, auquel il vouloit apprendre ce qu’il sçavoit du jardinage.

A ce mot Galathée aussi curieuse, mais moins courageuse que moy, me voyant en discours avec luy, s’en approcha, et oyant que cestuy-cy estoit cousin de Fleurial, lui demanda comme sa mere se portoit. Ce fut alors que Lindamor fut empesché, car il craignoit que ce qui avoit esté couvert par les habits ne fust descouvert par la parole. Toutesfois la contrefaisant