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j’estois veritable. Et plus briefvement qu’il me fut possible, luy fis entendre tous les discours que Galathée et moy avions eu, et le desplaisir qu’elle avoit ressenty de sa mort, et la volonté d’avoir son cœur.

Voyez quelle est la force d’une extreme affection. Lindamor avoit esté fort blessé en plisieurs lieux, et avoit tant perdu de sang qu’il fut presque en danger de sa vie. Toutesfois, outre toute l’esperance des chirurgiens, aussi tost qu’il receut ceste derniere lettre, le voilà debout, le voilà qui s’habille, et dans deux ou trois jours apres, il essaye de monter à cheval et en fin se hazarde de me venir trouver.

Et parce qu’il n’osoit venir de jour pour n’estre veu, il s’habilla en jardinier, et se disant cousin de Fleurial, se resolut de venir dans le jardin, et se conduire, selon que l’occasion s’offriroit. S’il le proposa, il le mit en effet, et ayant fait faire secrettement des habits, fit entendre à la tante de Fleurial, qu’avant son combat il avoit fait un vœu, et qu’il vouloit l’aller rendre avant que de partir du pays, mais que craignant les amis de Polemas, il y vouloit aller en ceste equipage, et qu’il la prioit de n’en rien dire. La bonne vieille l’en voulut dissuader pour le danger qu’il y avoit, le conseillant de remettre ce voyage à une autre fois. Mais luy qui estoit porté d’une trop ardente devotion pour l’interrompre, luy dit, que s’il ne le faisoit avant que de s’en aller hors du païs, il croiroit qu’il luy deust advenir tous les mal-heurs du monde.

Ainsi donc sur le soir, il part, afin de ne rencontrer personne, et vint si heureusement, que sans estre veu il entra dans le jardin, et fut conduit par Fleurial en la maison où pour lors il n’y avoit qu’un valet qui luy aidoit à travailler, auquel il fit accroire que Lindamor estoit son cousin, à qui il vouloit apprendre le mestier de jardinier.

Si le chevalier attendoit le matin avec beaucoup de desir, et si