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de te faire du bien, mais il faut que tu t’armes de patience, puis que telle est la volonté du Ciel. Si veux-je toutefois recevoir encores de toy un service, qui me sera le plus agreable que tu me fis jamais. Et ayant tiré promesse qu’il le feroit, il continua : Ne faus donc point à ce que je vay dire. Aussi tost que je seray mort, fends moy l’estomac et en arrache le cœur, et le porte à la belle Galathée et luy dis que je luy envoye, afin qu’à ma mort je ne retienne rien d’autruy. A ces derniers mots, il perdit la parole et la vie. Or ce fol de Fleurial, pour ne manquer à ce qui luy avoit esté commandé par une personne qu’il avoit si chere, avoit apporté icy ce cœur, et sans moy vouloit le vous presenter.

– Ah ! Leonide ! dit-elle, il est doncques bien certain qu’il est mort ! Mon Dieu ! que n’ay-je sceu sa maladie, et que ne m’en avez-vous advertie ? J’y eusse remedié. O quelle perte ay-je faite ! Et quelle faute est la vostre ? – Madame, luy respondis-je, je n’en ay rien sceu, car Fleurial estoit demeuré pres de luy pour le servir, à cause qu’il n’a mené personne des siens. Mais encore que je l’eusse sceu, je croy que je ne vous en eusse point parlé, tant j’ay recogneu vostre volonté esloignée de luy sans subjet. A ce mot, s’appuyant la teste sur la main, elle me commanda de la laisser seule, afin, comme je croy, que je ne visse les larmes qui desja empouloient ses paupieres. Mais à peine estois-je sortie qu’elle me rappella, et sans lever la teste, me dit que je commandasse à Fleurial de luy faire porter ce que Lindamor luy envoyoit, qu’en toute façon elle le vouloit. Et incontinent je ressortis avec un espoir asseuré que les affaires du chevalier pour qui je plaidois, reussiroient comme je les avois proposées. Cependant, quand Fleurial retourna vers Lindamor, il le trouva assez en peine pour le retardement qu’il avoit fait à Montbrison, mais ma