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Dites-moy la verité, où est Lindamor ? – Lindamor, luy respondis-je, n’est plus que terre. – Comment, s’escria-t’elle, Lindamor n’est plus ? – Non certes, luy respondis-je, et la cruauté dont vous avez usé envers luy l‘a plus tué que les coups de son ennemy ; car sortant du combat, et sçachant par le rapport de plusieurs la mauvaise satisfaction que vous aviez de luy, il n’a jamais voulu se laisser panser. Et puis que vous l’avez voulu sçavoir, c’est ce que Fleurial me disoit, à qui j’ay commandé d’essayer s’il pourroit discrettement retirer les lettres que nous luy avons escrites, afin qu’ainsi que vous aviez perdu le souvenir de ses services par. vostre cruauté, je fisse aussi devorer au feu les memoires qui en peuvent demeurer.

– O mon Dieu ! dit-elle alors, qu’est-ce que vous me dites ? est-il possible qu’il se soit ainsi perdu ? – C’est vous, luy dis-je qui devez dire de l’avoir perdu ; car quant à luy, il a gagné en mourant, puis que par la mort il a trouvé le repos, que vostre cruauté ne luy eust jamais permis tant qu’il eust vescu. – Ah ! Leonide, me dit-elle, vous me dites ces choses pour me mettre en peine. Advouez le vray, il n’est pas mort. – Dieu le voulust, luy respondis-je. Mais à quelle occasion le vous dirois-je ? Je m’asseure que sa mort ou sa vie vous sont indifferentes. Et mesme, puis que vous l’aimiez si peu, vous devez estre bien aise d’estre exempte de l’importunité qu’il vous eust donnée ; car vous devez croire, que s’il eust vescu, il n’eust jamais cessé de vous donner de semblables preuves de son affection que celle de Polemas. – En verité, dit alors la nymphe, je plains le pauvre Lindamor, et vous jure que sa mort me touche plus vivement que je n’eusse pas creu. Mais dites-moy, n’a t’il jamais eu souvenir de nous en sa fin, et n’a-t’il point monstré d’avoir du regret de nous laisser ? – Voilà, luy dis-je, madame, une demande