Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/465

Cette page n’a pas encore été corrigée

sang ? Et bien, il a fait ce que vous avez jugé qu’il devoit faire et encor vous trouvez qu’il n‘ a pas bien fait !

Si Silvie et quelques autres nymphes ne nous eussent alors interrompues, j’eusse, avant que laisser ce discours , adoucy beaucoup l’animosité de la nymphe, mais voyant tant des personnes, nous changeasmes de propos. Et toutesfois mes paroles ne furent sans effect, quoi qu’elle ne voulust me le faire paroistre, mais par mille rencontres j’en recogneus la vérité. Car depuis ce jour, je me resolus de ne luy en parler jamais, qu’elle ne m’en demandast des nouvelles. Elle, d’autre costé, attendoit que je luy en disse la premiere, et ainsi plus de huict jours s’ecoulerent sans en parler. Mais cependant Lindamor ne demeura pas sans soucy de sçavoir et ce qui se disoit de luy à la Cour et ce qu’en pensoit Galathée. Il m’envoya Fleurial pour ce subjet, et pour me donner un mot de lettre, il fit son message si à propos que Galathée ne s’en prit garde. Son billet estoit tel.

Billet de Lindamor à Leonide

Madame, qui pourra douter de mon innocence ne sera peu coulpable envers la verité. Toutesfois, si les yeux serrez ne voyent point la lumiere, encor que sans ombre elle leur esclaire, il m’est permis de douter que madame, pour mon mal-heur, n’ait les yeux fermez à la clarté de ma justice. Obligez-moy de l’asseurer, que si le sang de mon ennemy ne peut laver la noirceur dont il a tasché de me salir, j’y adjousteray plus librement le mien, que je ne conserveray ma vie, qui est sienne, quelle que sa rigueur me la puisse rendre.


Je m’enquis particulierement de Fleurial, comment il se portoit, et s’il n’y avoit personne qu’il l’eust recogneu. Et sceus qu’il avoit beaucoup perdu de sang, et que cela luy retarderoit un peu d’avantage sa guerison,