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coustumee n’ait tenu ce langage ? – Et bien, luy repliquay-je, combien estes-vous obligée à Lindamor, qui a fait advouer à vostre ennemy qu’il l’avoit inventé ? O madame, vous me pardonnerez, s’il vous plaist, mais je ne puis en cecy que vous accuser d’une tresgrande mescognoissance, pour ne dire ingratitude. S’il met sa vie pour esclaircir que Polemas ment, vous l’accusez d’inconsideration, et s’il veut faire advouer au menteur sa mesme menterie, vous le taxez de discourtoisie ! Et s’il n’eust fié son bon droit à ses armes, comment eust-il tiré la vérité de cest affaire ? Et si, lors que vous luy commandastes la seconde fois il eust laissé le combat, Polemas n’eust jamais advoué ce que vous et chacun avez peu ouyr. O pauvre Lindamor ! Que je plains ta fortune ! Est-ce que tu dois faire puis que tes plus signalés services sont des offnenses, et des injures ? Et bien, madame, vous n’ aurez pas peut-estre beaucoup de temps à luy user de ses cruautez, car la mort plus pitoyable mettra fin à vos mescognoissances et à ses supplices. Et peut-estre qu’à l’heure que je parle, il n’est desja plus, et si cela est, la nymphe Galathée en est la seule cause. – Et pourquoy m’en accusez-vous ? dit-elle. – Parce, luy repliquay-je, que quand vous les voulustes separer, et qu’en reculant vous mistes le genouil en terre, il voulut vous relever. Cependant ce courtois Polemas, que vous louez si fort, le blessa en deux ou trois endroits à son advantage, d’où je veis le sang rougir la terre. Mais s’il a la mort pour ce subjet, c’est le moindre mal qu’il ait receu de vous, car se voir mespriser, ayant bien fait son devoir, est, ce me semble, un déplaisir auquel nul autre n’est égal. Mais madame, vous plaist-il pas de vous ressouvenir qu’autrefois vous m’avez dit, en vous plaignant de luy, que pour esteindre ces discours de Polemas, s’il n’y sçavoit point d’autre remede, il se devoit servir du fer et du