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en a bien eu d’avantage par apres, puis que quelque priere que je luy aye peu faire, il n’a voulu se retirer. – Et n’avoit-il pas raison, luy dis-je, de vouloir chastier cet outrecuidé du peu de respect qu’il vous avoit porté ? Et quant à moi, je trouve qu’en cela Lindamor a bien fait. – Comment, m’interrompit-elle, est-ce Lindamor qui a combatu ?

Je fus à la vérité surprise, car je l’avois nommé sans y penser, mais voyant que cela estoit fait, je me resolus de luy dire : Ouy, Madame, c’est Lindamor, qui s’est senty offensé de ce que Polemas avoit dit de luy, et en a voulu esclaircir la vérité par les armes. Elle demeura tout hors de soy, et apres avoir pour un temps consideré cet accident, elle dit : Doncques c’est Lindamor qui m’a procuré ce déplaisir ! Doncques c’est luy qui m’a porté si peu de respect ! Doncques il a eu si peu de consideration qu’il a bien osé mettre mon honneur au hazard de la fortune et des armes !

A ce mot, elle se teut d’extreme colere, et moy qui en toute façon voulois qu’elle recogneust qu’il n’avoit point de tort, luy respondis: Est-il possible, madame, que vous puissiez vous plaindre [349/350] de Lindamor, sans recognoistre le tort que vous faites à vous mesme? Quel desplaisir vous a-t’il procuré, puis que, s’il a vaincu Polemas, il a vaincu vostre ennemy? – Comment, mon ennemy? dit-elle. Ah! que Lindamor me l’est bien d’avantage, puis que si Polemas a parlé, Lindamor luy en a donné le subjet. – O Dieu, dis-je alors, et qu’est-ce que j’entends? Vostre ennemy? Lindamor, qui n’a point d’ame que pour vous adorer, et qui n’a une goutte de sang qu’il ne respande pour vostre service, et vostre amy? celuy qui par ses discours controuvez a tasché finement d’offenser vostre honneur! – Mais qui sçait, adjousta-t’elle, s’il n’est point vray que Lindamor, poussé de son outrecuidance ac-