Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/461

Cette page n’a pas encore été corrigée

quoy que l’autre ne fust guiere mieux ; auquel par hazard elle s‘adressa, et le prenant par l’escharpe qui lioit son heaume, et qui pendoit assez bas par derriere, elle le tira un peu fort. Luy qui se sentit toucher, tourna brusquement de son costé, croyant d’estre trahy, et cela avec tant de furie, que la nymphe, se voulant reculer pour n’estre heurtée, s’empestra dans sa robbe, et tomba au milieu du camp.

Lindamor qui la recogneut, courut incontinent la relever, mais Polemas sans avoir esgard à la nymphe, voyant cest advantage, lors qu’il estoit plus desesperé du combat, prit l’espée à deux mains, et luy en donna par derriere sur la teste deux ou trois coups de telle force, qu‘il le contraignit avec une grande blessure, de mettre un genouil à terre d’où il se releva tant animé, contre la discoutoisie de son ennemy, que depuis, quoy que Galathée le priast, il ne le voulut laisser qu’il ne l’esut mis à ses pieds, où luy sautant dessus, il le desarma de la teste. Et estant prest à luy donner le dernier coup, il ouyt la voix de sa dame qui luy dit : Chevalier, je vous adjure par celle que vous aimez le plus, de me donner ce chevalier. – Je le veux, luy dit Lindamor, s‘il vous advoue d’avoir faussement parlé de moy, et de celle par qui vous m’adjurez. Polemas estant, à ce qu’il pensoit, au dernier poinct de sa vie, d’une voix basse, advoua ce que l’on voulut.

Ainsi s’en alla Lindamor, apres avoir baisé les mains à sa maistresse qui le recogneut jamais, quoy qu’il parlast à elle, car le heaume, et la frayeur en quoy elle estoit, luy empescherent de prendre garde à la parole. Il est vray que passant pres de moy il me dit fort bas : Belle Leonide, je vous ay trop d’obligtion pour me celer à vous, tant y a que voicy l’effet de vostre lettre. Et sans s’arrester d’avantage, monta à cheval, et quoy qu’il fust fort blessé,