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bien aussi une asseurance de vostre mespris, car d’où pourroit proceder ce silence, si ce n’estoit de là ? L’un me contente en moy-mesme, l’autre me desespere en vous. S’il vous reste quelque souvenir de mon fidelle service, par pitié je vous demande ou la vie ou la mort. Je pars le plus desesperé, qui jamais ait eu quelque sujet de desesperer.

Ce fut un effet d’amour, que le changement de courage de Galathée, car je la veis toute attendrie, mais ce ne fut pas aussi petite preuve de son humeur altiere, puis que pour ne m’en donner cognoissance, et ne pouvant commander à son visage qui estoit devenu pasle, elle se lia de sorte la langue, qu’elle ne dit jamais parole qui la peust accuser d’avoir flechy, et partit de sa chambre pour aller au jardin sans dire un seul mot sur ceste lettre, car le soleil commençoit à se baisser, et son mal qui n’estoit qu’un travail d’esprit, se pouvoit mieux soulager hors la maison que dans le lict. Ainsi donc apres s’estre vestue un peu legerement, elle descendit dans le jardin, et ne voulut que moy avec elle. Par les chemins je luy demanday s’il ne luy plaisoit pas de faire response, et m’ayant dit que non : Vous permettrez bien, luy dis-je, pour le moins, madame, que je la fasse ? – Vous ? me dit-elle, et que voudriez-vous escrire ? – Ce que vous me commanderez, luy dit-je. – Mais ce que vous voudrez, me dit-elle, pourveu que vous ne parliez point de moy. – Vous verrez, luy respondis-je, ce que j’escriray. – Je n’en ay que faire, me dit-elle, je m’en rapporte bien à vous. Avec ce congé, cependant qu’elle se promenoit, j’escrivis dans l’allée mesme, sur des tablettes, une response telle qu’il me sembloit plus à propos. Mais elle, qui ne la vouloit voir, ne peut avoir assez de patience de me la laisser finir, sans la lire, pendant que je l’escrivois.

==Response de Leonide