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bien la penitence. – Mais, dit-elle, que puis je mais de sa temerité ? Pourquoy m’est-il allé brouillant en ses contes ? n’avoit-il point d’autres meilleurs discours que de moy ? Et puis, apres avoir regardé quelque temps le dessus de la lettre qu’il luy escrivit : J’ay bien affaire qu’il continue de m’escrire. A cela je ne respondis rien.

Elle, apres s’estre teue quelque temps, me dit : Et quoy, Leonide, vous ne me respondez point ? N’ay-je pas raison en ce que je me plains ? – Madame, luy dis-je, vous plaist-il que je vous parle librement ? – Vous me ferez plaisir, me dit-elle. – Je vous diray donc, continuay-je, que vous avez raison en tout, sinon en ce que vous cherchez raison en amour, car il faut que vous sçachiez que qui le veut remettre aux lois de la justice, c’est luy oster sa principale authorité, qui est de n’estre sujet qu’à soy-mesme. De sorte que je concluds, que si Lindamor a failly en ce qui est de vous aimer, il est coupable, mais si c’est aux loix de la raison ou de la prudence, c’est vous qui meritez chastiment, voulant mettre amour qui est libre, et qui commande à tout autre, sous la servitude d’un superieur. – Et quoy, me dit-elle, n’ay-je pas ouy dire que l’amour, pour estre louable, est vertueux ? Si cela est, il doit estre obligé aux lois de la vertu. – Amour, respondis-je, est quelque chose de plus grand que ceste vertu dont vous parlez, et par ainsi il se donne à soy-mesme ses loix sans les mendier de personne. Mais puis que vous me commandez de parler librement, dites-moy, madame, n’estes vous pas plus coulpable que luy, et en ce que vous l’accusez, et en ce qui est de l’amour ? Car, s’il a eu la hardiesse de dire qu’il vous aimoit, vous en estes cause, puis que vous le luy avez permis. – Quand cela seroit, respondit-elle , encor par discretion, il estoit obligé de le celer. – Plaignez-vous donc, luy dis-je, de sa discretion et non