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en quoy il avoit peu faillir. En fin ne se pouvant trouver coulpable, il luy escrivit une telle lettre.


Lettre de Lindamor a Galathée

Ce n’est pas pour me plaindre de madame, que j’ose prendre la plume, mais pour deplorer ce mal-heur seulement qui me rend si mesprisé de celle qui autresfois ne me souloit pas traitter de ceste sorte. Si suis-je bien ce mesme serviteur, qui vous a tousjours servie avec toute sorte de respect et de soumission et vous estes ceste mesme dame qui la premiere avez esté la mienne. Depuis que vous me receustes pour voste, je ne suis point devenu moindre, ny vous plus grande : si cela est, pourquoy ne me jugez-vous digne du mesme traittement ? J’ay demandé conte à mon ame des ses actions : quand il vous plaira, je les vous desplieray touts devant les yeux ; quant à moy, je n’en ay peu accuser une seule. Si vous le jugez autrement, m’ayant ouy, ce ne sera peu de consolation à ce pauvre condamné, de sçavoir pour le moins le sujet de son supplice.

Ceste lettre luy fut portée, comme de coustume, par Fleurial, et si à propos qu‘encore qu’elle eust voulu, elle n’eust osé la refuser, à cause que nous estions toutes à l’entour. Et sans mentir, il est impossible que quelqu’autre peust mieux jouer son personnage que luy, car sa requeste estoit accompagnée de certaines paroles de pitié et de reverence, tellement accomodées à ce qu’il feignoit de demander qu’il n’y eust eu celuy qui n’y eust esté trompé. Et quant à moy, si Galathée ne me l’eust dit, jamais je n’y eusse pris garde, mais d’autant qu’il estoit mal-aisé ou plustost impossible, que le jeune cœur de la nymphe, pour se descharger n’eust quelque confidente, à qui librement elle fist entendre ce qui la pressoit si fort, entre toutes elle m’esleut, et comme plus asseurée, ce luy sembloit, et comme plus affectionnée.