accomply de beaucoup de parties remarquables, toutefois la bonne opinion qu’il avoit de soy-mesme n’estoit pas de celles qui se sçavent mesurer, et que pour preuve de cela, il avoit esté si outrecuidé, que de hausser les yeux à l’amour de Galathée, et non seulement de la concevoir en son ame, mais encore de s’en estre vanté en parlant à luy. Discours qui parvint en fin jusques aux oreilles de Galathée, voire passa si avant, que presque toute la Cour en fut advertie. La nymphe en fut tellement offensée qu’elle resolut de traitter de sorte Lindamor, qu’il n’auroit point à l’advenir occasion de publier ses vanitez. Et cela fut cause que tost apres ce bruit fust esteint, parce qu’elle qui estoit en colere ne parloit plus à luy, et que ceux qui remarquoient ses actions, n’y recognoissans aucune apparence d’amour, furent contraints de croire le contraire. Et en mesme temps l’esloignement du chevalier, qui survint si promptement, y ayda beaucoup, parce qu’Amasis l’envoya pour un affaire d’importance sur les rives du Rhin. Mais son despart ne peut estre si precipité, qu’il ne trouvast occasion de parler à Galathée pour sçavoir la cause de son changement. Et apres l’avoir espiée quelque temps, le matin qu’elle alloit au temple avec sa mere, il se trouva si pres d’elle et tellement au milieu de nous, que malaisément pouvoit-il estre apperceu d’Amasis. Aussi tost qu’elle le vid, elle voulut changer de place, mais la retenant pas la robbe, il luy dit : Quelle offense est la mienne, ou quel changement est le vostre ? Elle respondit en s’allant : Ny offense, ny changement, car je suis tousjours Galathée et vous estes toujours Lindamor, qui estes trop bas sujet pour me pouvoir offenser.
Si ces paroles le toucherent, ses actions en rendirent tesmoinage ; car, quoy qu’il fust pres de son despart, si ne peut-il donner ordre à autre affaire qu’à rechercher en soy-mesme