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quant à moy, je n’y ay aucune pretention. Bien, vous diray-je, qu’en ce qui est de l’amour, je suis d’avis que chacun y fasse de son costé ce qu’il pourra.

Lindamor se repentit lors de luy avoir tenu un langage si plein de courtoisie, et de respect, puis qu’il en usoit si mal, et resolut de faire tout ce qui seroit en luy pour s’advancer aux bonnes graces de la nymphe. Et toutesfois il luy respondit : Puis que vous n’y avez point de dessein, je m’en resjouys, comme de la chose qui me pouvoit arriver la plus aggreable, d’autant que de m’en retirer, ce m’eust esté une peine qui m’eust esté guiere moindre que la mort. – Tant s’en faut, adjousta Polemas, que j’y aye quelque pretention d’amour que je ne l’ay jamais regardée que d’un œil de respect, tel que nous sommes tous obligez de luy rendre. – Quant à moy, repliqua Lindamor, j’honnore bien Galathée comme dame, mais aussi je l‘aime comme belle dame, et me semble que ma fortune peut pretendre aussi haut qu’il est permis à mes yeux de regarder, et que nul n’offense une divinité en l’aimant.

Avec semblables discours, ils se separerent tous deux assez mal satisfaits l’un de l’autre. Toutesfois bien differemment, car Polemas l’estoit de jalousie, et Lindamor, pour recognoistre la perfidie de son amy. Dez ce jour ils vesquirent d’une plaisante sorte, car ils estoient ordinairement ensemble, et toutesfois ils se cachoient leurs desseins, non pas Lindamor en apparence, mais en effet il se cachoit en tout ce qu’il proposoit, et qu’il desseignoit de faire. Et sçachant bien que les occasions passées ne se peuvent r’appeller, il ne laissoit perdre un seul moment de loisir, qu’il n’employast à faire paroistre son affection à la nymphe, en quoy certes il ne perdit ny son temps ny sa peine, car elle eut tellement agreable la bonne