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vous opinion qu’il ait quelque puissance sur mes actions ou sur celles de Lindamor ? – Ce n’est pas cela, luy dis-je, madame, mais je cognoy assez l’humeur de Polemas. Il ne laissera rien d’intenté, et remuera le ciel et la terre, pour revenir au bon-heur qu’il croira d’avoir perdu, et comme cela, il fera de ces folies qui ne se peuvent cacher qu’à ceux qui ne les veulent point voir, et vous en aurez du desplaisir, et Lindamor s’en offensera. Et Dieu vueille qu’il n’en advienne encor pis ! Rien, rien, Leonide, me respondit-elle. Si Lindamor m’aime, il fera ce que je luy commanderay ; s’il ne m’aime pas, il ne souciera guiere de ce que Polemas fera. Et pour luy, s’il sort des limites de raison, je sçay fort bien comme il l’y faudra remettre et m’en laissez la peine, car j’y pouvoiray bien. A ce mot elle me commanda de tirer le rideau, et la laisser reposer, pour le moins si ses nouveaux desseins le luy permettoient.

Mais au sortir du bal, Lindamor qui avoit pris garde à la mine que Polemas avoit faite quand il luy avoit osté Galathée, eut quelque opinion qu’il l‘aymast. Toutesfois, n’en ayant jamais rien cogneu par ses actions passées, il voulut le luy demander, resolu, s’il l’en trouvoit amoureux, de tascher de s‘en divertir, parce qu’il se sentoit en quelque sorte obligé à cela, pour l’amitié qu’il luy avoit fait paroistre, qu’il pensoit estre veritable. Et ainsi l’abordant, le pria de luy pouvoir dire un mot en particulier. Polemas qui usoit de toute la finesse dont un homme de cour peut estre capable, peignit son visage d’une feinte bien-vueillance, et respondit : Qu’est-ce qu’il plaist à Lindamor de me commander ? – Je n’useray jamais, dit Lindamor, de commandement, où ma priere seule doit avoir quelque lieu, et pour ceste heure je ne me veux servir de l’un ny de l’autre , mais seulement, en amy, que je vous suis, vous demander une chose que nostre amitié