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Alors Adamas luy demanda : Et comment, Leonide, il me semble par les paroles de Galathée, qu’elle mesprise Polemas, et par ces vers il n’y a personne qui ne jugeast qu’elle l’aime, et qu’il ne puisse seulement patienter qu’elle le dissimule ? – Mon pere, luy repliqua Leonide, il est tout vray qu’elle l’aimoit, et qu’elle luy en avoit tant rendu de preuve, qu’en le croyant il n’estoit pas si outrecuidé, qu’on l’eust peu tenir pour homme de peu d’entendement en ne le croyant pas. Et quoy qu’elle voulust faindre avec moy, si est-ce que je sçay bien qu’elle l’avoit attiré par des artifices et par des esperances de bonne volonté, dont les arrhes n’estoient pour le commencement si petites, que plusieurs autres n’y eussent esté deceus. Et je ne sçay, voyant donner de si grandes asseurances, qui eust creu qu’elle les eust voulu perdre et se desdire du marché. Mais il merite ce chastiment pour la perfidie dont il a usé envers une nymphe, de qui l’affection deceue a crié vengeance, de sorte qu’Amour l’a en fin exaucée ; car sans mentir, c’est le plus trompeur, le plus indigne d’estre aimé, pour ceste mécognoissance, qui soit sous le ciel, et ne merite pas qu’on le plaigne, s’il ressent la douleur que les autres ont soufferte pour luy.

Adamas la voyant ainsi esmeue contre Polemas, luy demanda qui stoit la nymphe qu’il avoit deceue et luy dit qu’elle devoit estre de ses amies, puis qu’elle en ressentoit l’offense si vivement. Elle recogneut alors qu’elle avoit trop cedé à sa passion, et que sans y penser elle faisoit cognoistre ce qu’elle avoit tenu secret si long-temps. Toutesfois, comme elle avoit un esprit vif, et qui ne tomboit jamais en deffaut, elle couvrit par ses dissimulations si bien ceste erreur, qu’Adamas pour lors n’y prit pas garde.

Et quoy, ma fille, luy dit Adamas ne sçavez-vous pas que les hommes vivent avec dessein de vaincre et parachever