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mon affection. Cela me met hors de moy-mesme, avec tant de violence, qu’à peine puis-je commander à ces furieux mouvemens que vous me faites, et que l’offense produit en mon ame, qu’ils n’en fassent naistre des effets au delà de la discretion.

Il vouloit parler d’avantage, mais la passion en quoy il estoit, luy a si promptement osté la voix, qu’il ne luy a pas esté possible de continuer plus outre. Si je me suis offensée de ses paroles, vous le pouvez juger, car elles estoient, et temeraires, et pleines d’une vanité qui n’estoit pas supportable. Toutesfois, à fin de ne donner cognoissance de ce trouble à ceux qui n’ont des yeux que pour espier les actions d’autruy, je me suis contrainte de luy faire une response un peu moins aigre que je n’eusse fait, si j’eusse esté ailleurs. Et luy ay dit : Polemas, ce que vous estes, et ce que je suis, ne me laissera jamais douter que vous ne soyez mon serviteur, tant que vous demeurerez en la maison de ma mere, et que vous ferez service à mon frere, mais je ne puis assez m’estonner des folies, que vous allez meslant en vostre discours, en parlant d’heritage, et de vostre bien. En ce qui est de mon amitié, je ne sçay par quel droict vous me pretendriez vostre ? Mon intention, Polemas, a esté de vous aimer et estimer comme vostre vertu le merite, et ne vous devez rien figurer outre cela. Et quant à ce que vous dites de Lindamor, sortez d’erreur ; car si j’en use de mesme avec luy, que j’ay fait avec vous, vous devez croire que j’en feray de mesme avec tous ceux qui par cy-apres le meriteront, sans autre dessein plus grand que d’aimer et d’estimer ce qui le merite, en quelque sujet qu’il se trouve. – Et quoy, madame, luy dis-je lors en l’interrompant, vous semble-t’il que ceste response soit douce ? Je ne sçay pas ce que vous eussiez peu honnestement luy dire d’avantage, car à la verité il faut avouer qu’il est outrecuidé ;