icy vous avez recogneu quelque action des miennes tendre à autre fin, qu’à celle de vostre service, si tous mes desseins n’ont pris ce poinct pour leur but, et si tous mes desirs parvenans là, ne se sont monstrez satisfaits et contents. Je m’asseure que si ma fortune me nie de meriter quelque chose d’avantage en vous servant, que pour le moins elle ne me refusera pas ceste satisfaction de vous, que vous advouerez que veritablement je suis vostre, et à nulle autre qu’à vous. Or si cela est, jugez quel regret doit estre le mien apres tant de temps dépendu, pour ne dire perdu, lors que [s’il y avoit quelque raison en amour] je devrois plus raisonnablement attendre quelque loyer de mon affection, je vois en ma place un autre favorisé, et heritier, pour dire ainsi, de mon bien avant ma mort. Excusez moy, si j’en parle de ceste sorte, l’extreme passion arrache ces justes plaintes de mon ame, qui encore qu’elle le vueille, ne peut les taire d’avantage, voyant celuy qui triomphe de moy, en avoir acquis la victoire plus par destin, que par merite.
C’est de Lindamor, de qui je vous parle, Lindamor, de qui le service est d’autant plus heureusement receu de vous, qu’il mecede, et en affection, et en fidelité. Mon grief n’est pas pour le voir plus heureux, qu’il n’eust osé southaiter, mais ouy bien de le voir heureux à mes despens. Excusez moy, madame, je vous supplie, ou plutost excusez la grandeur de mon affection, si je me plains, puis que ce n’est qu’une plus apparente preuve du pouvoir que vous avez sur vostre tres-humble serviteur. Et ce qui me fait parler ainsi, c’est pour remarquer que vous usez envers luy des mesmes paroles, et memes façons de traitter que vous souliez envers moy, à la naissance de vostre bonne volonté, et lors que vous me permistes de vous parler, et de pouvoir dire en moy-mesme, que vous sçaviez