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pour moy, pourquoy voudriez-vous que je vous respondisse d’autre façon ? Et si mon silence vous donne plus de cognoissance de mon peu d’amitié, que mes actions passées n’ont peu faire de ma bonne volonté, pensez-vous que j’espere de vous en pouvoir rendre plus de tesmoinage par mes paroles ? Mais je voy bien que c’est, Lycidas, vous voulez faire une honneste retraite, vous avez dessein ailleurs, et pour ne l’oser, sans donner á vostre legereté quelque couverture raisonnable, vous vous faignez des chimeres, et bastissez des occasions de desplaisir, où vous sçavez bien qu’il n’y a point de sujet, afin de me rendre blasmée de vostre faute. Mais, Lycidas, serrons de pres toutes vos raisons, voyons quelles elles sont, ou si vous ne le voulez faire, retirez-vous, berger, sans m’accuser de l’erreur que vous avez commise, et dont je sçay bien que je feray une longue penitence. Mais contentez-vous de m’en laisser le mortel desplaisir, et non pas le blasme, que vous en importunez et le ciel et la terre. -Le doute où j’ay esté, repliqua le berger, m’a faict plaindre, mais l’asseurance que vous m’en donnez par vos aigres paroles me fera mourir. -Et quelle est vostre crainte ? respondit la bergere. -Jugez, repliqua-t’il, qu’elle ne doit pas estre petite, puis que la plainte qui en procede, importune et le ciel et la terre, comme vous me reprochez. Que si vous la voulez sçavoir, je la vous diray en peu de mots. Je crains que Phillis n’ayme point Lycidas. -Ouy, berger, reprit Phillis, vous pouvez croire que je ne vous ayme point, et avoir en vostre memoire ce que j’ay fait pour vous et pour Olympe ? Est-il possible que les actions de ma vie passée, vous reviennent devant les yeux, lors que vous concevez ces doutes ? -Je sçay bien, respondit le berger, que vous