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le mien, mais combien grande aussi estoit ma crainte ; car je sçavois que ceux qui le poursuivoient, sçachant l’amour qui estoit entre nous, feroient tout ce qu’il leur seroit possible, pour l’y surprendre. Et il advint comme je l’avois tousjours craint, car en fin il y fut trouvé, et emmené dans Lyon, où soudain je le suivis, et fort à propos pour luy, d’autant que les juges qu’à toutes heures j’allois solliciter, eurent tant de pitié de moy, qu’ils luy firent grace, et ainsi nonobstant toute la poursuite de nos parties, il fut delivré.

Si j’avois eu beaucoup d’ennuy de l’accident, et de la peine où je l’avois veu, croyez, courtois berger, que je n’eus pas peu de satisfaction de le voir hors de danger, et absous de tout ce qui s’estoit passé. Mais parce que le desplaisir qu’il avoit receu dans la prison, l’avoit rendu malade, il fut contraint de sejourner quelques jours à Lyon, et moy tousjours pres de luy, essayant de luy donner tout le soulagement qu’il m’estoit possible. Enfin estant hors de danger, il me pria de venir donner ordre à sa maison, afin que nous y peussions recevoir nos amis en la resjouyssance qu’il desiroit de faire avec eux, pour le bon succez de ses affaires. Et voilà que ces desbauchez, qui ont esté cause de toute nostre peine, voyans qu’ils n’en pouvoient avoir autre raison, se sont resolus de le tuer dans son lict, et estans entrez dans son logis, lui ont donné deux ou trois coups de poignard, et le laissans pour mort, s’en sont fuis. Helas, courtois berger, jugez quelle je dois estre, et en quel repos doit estre mon ame, qui à la verité est attainte du plus sensible accident qui m’eust sceu advenir !

Ainsi finit Cloris, ayant le visage tout couvert de larmes, qui sembloient autant de perles qui roulaient sur son beau sein.

Or, gentil Paris, ce que je vous vay raconter, est bien une nouvelle source d’amour.