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mais jamais il ne faut qu’elle espere que Hylas la puisse aimer. Je dis quelques autres semblables paroles, ausquelles je veis bien changer de couleur de Hermante, mais pour lors j’en ignorois la cause. Depuis j’ay jugé que c’estoit de peur qu’il avoit que je ne revinsse en la bonne grace de sa maistresse ; si n’en fit-il autre semblant, sinon qu’il se mit à rire, et me dit qu’il y en auroit bien d’estonnées quand elles verroient ce changement.

Mais si je pris promptement cette resolution, aussi promptement la voulus-je executer. Et en ce dessein m’en allay trouver Carlis, à qui je demanday mille pardons de la lettre que je luy avois escrite, l’asseurant que ce n’avoit jamais esté faute, mais transport d’affection. Elle qui estoit offensée contre moy, comme chacun peut penser, apres m’avoir escouté paisiblement, en fin me respondit ainsi : Hylas, si les asseurances que tu me fais de ta bonne volonté, sont veritables, je suis satisfaite ; si elles sont mensongeres, ne croy pas de pouvoir renouer l’amitié qu’à jamais tu as rompue, car ton humeur est trop dangereuse.

Elle vouloit continuer, quand Stilliane, pour luy monstrer la lettre que je luy avois escritte, la venant visiter, nous interrompit. Lors qu’elle me vid pres de Carlis : Veillé-je, ou si je songe ? dit-elle toute estonnée. Est-ce bien lá Hylas que je vois, ou si c’est un fantosme ? Carlis tres-aise de cette rencontre : C’est bien Hylas, dit-elle, ma compagne, vous ne vous trompez point, et s’il vous plaist de vous approcher, vous ouyrez les douces paroles dont il me crie mercy, et comme il se desdit de tout ce qu’il m’a escrit, se sousmettant à telle punition qi’il me plaira. – Son chastiment, respondit Stilliane, ne doit point estre autre, que de luy faire continuer l’affection qu’il me porte. – A vous ? luy dit Carlis, tant s’en faut ; il me juroit quand vous estes entrée,