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par coustume. Par là, Hylas, je veux dire que vous ferez bien plus aisément croire à Carlis que vous la ha?ssez à la moindre mauvaise volonté que vous luy monstrerez, que vous ne persuaderez pas à Stilliane que vous l’aimez. Et parce que vous voyez bien qu’elle a sur le cœur ceste affection de Carlis, croyez moy que ce que vous avez à faire de plus pressé, est de luy donner cognoissance que vous n’aimez plus cette Carlis, ce que vous devez faire par quelque action cogneue non seulement à Carlis, mais à Stilliane, et à plusieurs autres. Bref, belle bergere, il me sceut tourner de tant de costez, qu’en fin j’escrivis à la pauvre Carlis une telle lettre.


Lettre de Hylas à Carlis

Je ne vous escris pas à ce coup, Carlis, pour vous dire que je vous ay aimée, car vous ne l’avez que trop creu, mais bien pour vous asseurer que je ne vous aime plus. Je sçay asseurément que vous serez estonnée de ceste declaration, puis que vous m’avez tousjours plus aimé presque que je n’ay sceu desirer. Mais ce qui me retire de vous, il faut par force advouer que c’est vostre mal-heur, qui ne vous veut continuer plus long-temps le plaisir de nostre amitié, ou bien ma bonne fortune, qui ne me veut d’avantage arrester à si peu de chose. Et afin que vous ne vous plaigniez de moy, je vous dis adieu, et vous donne congé de prendre party où bon vous semblera, car en moy vous n’y devez plus avoir d’esperance.

De fortune, quand elle receut cette lettre, elle estoit en fort bonne compagnie, et mesme Stilliane y estoit, qui desapprouva de sorte cette action, qu’il n’y en eut point en toute la trouppe qui me blasmast d’avantage. Ce que Carlis recognoissant : Je vous supplie, leur dit-elle, obligez moy toutes de luy faire response. – Quant à moy,