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le soir. Je le trouvay encor au lict, et parce qu’il me veit bien agité : Et bien, me dit-il, qu’y a-t’il de nouveau ? La victoire est-elle obtenue avant le combat ? – Ah ! mon amy, luy respondis-je, j’ay bien trouvé à qui parler, elle me desdaigne, elle se mocque de moi, elle me renvoye à chasque mot à Carlis. Bref, croyez qu’elle me traitte bien en maistresse.

Il ne se peut tenir de rire, oyant apres tout au long nos discours, car il n’en avoit pas attendu moins ; mais cognoissant bien mon humeur assez changeante, il eut peur que je ne revinsse à Carlis, et qu’elle ne me receust, qui fut cause qu’il me respondit : Avez-vous esperé moins que cela d’elle ? L’estimeriez-vous digne de vostre amitié, si ne sçachant encore au vray que vous l’aimez, elle se donnoit à vous ? Comment peut-elle adjouster foy au peu de paroles que vous luy avez dites, en ayant tant ouy autresfois, où vous juriez le contraire à Carlis ? Elle seroit sans mentir fort ayseé à gagner, si elle se monstroit vaincue pour si peu de combat. – Mais, luy dis-je, avant que je sois aimé d’elle, s’il faut que je luy en die autant que j’ay desja faict à Carlis, quand est-ce à vostre advis que cela sera ? – Vrayment, me respondit Hermante, vous sçavez bien peu que c’est qu’amour. Il faut que vous appreniez, Hylas, que quand on dit à une bergere, je vous aime, voire mesme quand on luy en fait quelque demonstration, elle ne le croit pas si promptement, d’autant que c’est la coustume de pastres bien nourris d’avoir de la courtoisie et il semble que leur sexe pour sa foiblesse oblige les hommes à les servir et honorer. Et, au contraire, à la moindre apparence de haine que l’on leur rend, elles croyent fort aisement d’estre hayes, parce que les amitiez sont naturelles, et les inimitiez au contraire, et ceux qui vont contre le naturel, il faut que ce soit par un dessein resolu, au lieu que ceux qui le suivent il semble plustost quece soit