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quelle sorte de charmes se servent vos yeux ; tant y a que Hylas se trouve tant vostre serviteur, que personne ne le sçauroit estre d’avantage.

Elle creut que je me mocquois, sçachant bien l’amour que j’avois portée à Carlis, qui luy fit respondre en sousriant : Ces discours, Hylas sont-ce pas ceux que vous avez appris en l’escole de la belle Carlis ? Je voulois respondre, quand selon l’ordre du bal on nous vint separer, et ne peus la r’approcher quelque peine que j’y misse. De sorte que je fus contraint d’attendre que l’assemblée se separast, et la voyant sortir des premieres pour se retirer, je m’advançay, et la pris sous les bras. Elle au commencement so sousrit, et puis me dit : Est-ce par resolution, Hylas, ou par commandement que co soir vous m’avez entreprise ? – Pourquoy, lui respondis-je, me faites vous cette demande ? – Parce, me dit-elle, que je vois si peu d’apparence de raison en ce que vous faites, que je n’en puis soupçonner que ces deux occasions. – C’est, luy dis-je, pour toutes les deux, car je suis resolu de n’aimer jamais que la belle Stilliane, et vostre beauté me commande de n’en servir jamais d’autre. – Je croy, me respondit-elle, que vous ne pensez pas parler à moy, ou que vous ne me cognoissez point, et afin que vous ne vous y trompiez plus longuement, sçachez que je ne suis pas Carlis, et que je me nomme Stilliane. – Il faudroit, luy respondis-je, estre bien aveugle pour vous prendre au lieu de Carlis, elle est trop imparfaite pour estre prise pour vous, ou vous pour elle. Et je sçay trop pour ma liberté, que vous estes Stilliane, et seroit bon pour mon repos que j’en sceusse moins. Nous parvinsmes ainsi à son logis, sans que je peusse recognoistre, si elle l’avoit eu agreable ou non.

Le lendemain, il ne fut pas plustost jour, que j’allay trouver Hermante, pour lui raconter ce qui m’estoit advenu