eues depuis qu’il commençoit d’aimer ; car il estoit impossible que le discours n’en fust bien fort agreable, puis qu’il en avoit servy de tant de sortes, que les accidents en devoient estre de mesme.-Vrayement, Phillis, dit Diane, vous estes une grande devineuse, car j’avois desja faict dessein de ne luy pardonner jamais qu’avec ceste condition. Et pour cela, Hylas, resolvez-vous-y. – Comment ? dit le berger, vous me voulez contraindre à dire ma vie devant ma maistresse ? Et quelle opinion aura-t’elle de moy, quand elle ouyra dire que j’en ay aimé plus de cent : qu’aux unes j’ay donné congé avant que de les laisser, et que j’ay laissé les autres avant que de leur en rien dire ? Quand elle sçaura qu’en mesms temps j’ay esté partagé à plusieurs, que pensera-t’elle de moy ? – Rien de pire, que ce qu’elle pense, dit Silvandre, car elle ne vous jugera qu’inconstant, aussi bien alors qu’elle fait desja – II est vray, dit Phillis, mais afin que vous n’entriez, point en cette doute, j’ay affaire ailleurs, où Astrée viendra avec moy, s’il luy plaist,’et cependant vous obeirez aux commandemens de Diane.
A ce mot elle prit Astrée sous les bras, et se retira du costé du bois, où desjà Lycidas estoit allé. Et parce que Silvandre avoit entre-ouv ce qu’elle luy avoit respondu, il la suivit de loing, pour voir quel estoit son dessein, à quoy le soir luy servit de beaucoup pour n’estre veu, car il commençoit de se faire tard, outre qu’il alloit gaignant les buissons, et se cachant de telle sorte, qu’il les suivit aisément sans estre veu, et arriva si à propos, qu’il ouyt qu’Astrée luy disoit : Quelle humeur est celle de Lycidas, de vouloir parler à vous à ceste heure, et en ce lieu, puis qu’il a tant d’autres commoditez, que je ne sçay comme il a choisi ce temps incommode. – Je ne sçay certes, respondit Phillis, je l’ay trouvé tout triste ce soir, je ne sçay ce