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Sur moy, dit le berger, elle peut hausser ou baisser, ouvrir ou fermer les yeux ; mais mon mal-heur, non plus que mon bon-heur, ne dépendra jamais, ny de ses yeux, ni de tout son visage, et si toutesfois je vous ayme et veux vous aimer. – Si vous m’aimez, adjousta Phillis, et que je puisse quelque chose sur vous, elle y a beaucoup plus de puissance ; car je puis estre esmeue, ou par vostre amitié, ou par vos services, à ne vous pas mal-traiter, mais cette bergere n’estant ny aimée, ny servie de vous,n’en aura aucune pitié. -Et qu’ay-je à faire, dit Hylas, de sa pitié ? peut-estre que je suis à sa mercy ? – Ouy certes, repliqua Phillis, vous estes à sa mercy : je ne veux que ce qu’elle veut, et ne puis faire que ce qu’elle me commande ; car voilà la maistresse que j’aime, que je sers, et que j’adore, mais de telle sorte que pour elle seule je veux aimer, je veux servir, et pour elle seule je yeux adorer, si bien qu’elle est toute mon amitié, tout mon service, et toute ma devotion. Or voyez, Hylas, que vous avez offensé, et quel pardon vous luy devez demander.

Alors le berger se jettant aux pieds de Diane, tout estonné, apres l’avoir un peu considerée, luy dit : Belle maistresse de la mienne, si celuy qui aime pouvoit avoir des yeux pour voir quelqu’autre chose que le sujet aimé, j’eusse bien veu en quelque sorte, que chacun doit honorer et reverer vos merites ; mais puis que je les ay clos à toute autre’chose qu’à ma Phillis, vous auriez trop de cruauté, si vous ne me pardonniez la faute que je vous advoue, et dont je vous crie mercy.

Phillis, qui avoit envie de se despestrer de cet homme, pour parler à Lycidas, ainsi qu’il l’en avoit priée, se hasta de respondre avant que Diane, pour luy dire que Diane ne luy pardonneroit point, qu’avec condition qu’il leur raconteroit les recherches, et les rencontres qu’il avoit