nous, elle ne fera pas grand conte de vous. Et parce que Phillis, sans prendre garde à ceste dispute, continuoit son discours, Diane luy dit : Et quoy, Phillis, est-ce ainsi que vous me rendez le devoir que vous me devez ? vous me laissez donc pour aller entretenir un berger ? A quoy Phillis toute surprise respondit : Je ne voudrois pas, ma maistresse, que ceste erreur vous eust despleu ;car j’avois opinion que les beaux discours du gentil Hylas vous empeschoient de prendre garde à moy, qui cependant taschois de donner ordre à une affaire, dont ce berger me parloit. Et certes elle ne mentoit point, car elle estoit bien empeschée, pour la froideur qu’elle recognoissoit en luy. Il est bon là, Phillis, respondit Diane, avec des paroles de vraye maistresse, vous pensez payer tousjours toutes vos fautes par vos excuses ; mais ressouvenez-vous que toutes ces nonchalances ne sont pas de petites preuves de vostre peu d’amitié, et qu’en temps et lieu j’auray memoire de la façon dont vous me servez.
Hylas avoit repris Phillis sous les bras et ne sçachant la gageure de Silvandre et d’elle, fut estonné d’ouir parler Diane de ceste sorte. C’est pourquoy la voyant preste à recommencer ses excuses, il l’interrompit, luy disant : Que veut dire, ma belle maistresse, que ceste glorieuse bergere vous traitte ainsi mal ? Luy voudriez vous bien ceder en quelque chose ? Ne faites pas cette faute, je vous supplie : car encor qu’elle soit belle, si avez vous bien assez de beauté pour faire vostre party à part, et qui peut-estre ne cedera guiere au sien. – Ah ! Hylas, dit Phillis, si vous sçaviez contre qui vous parlez, vous esliriez plustost d’estre muet le reste de vostre vie que de vous estre servy de la parole pour deplaire à cette belle bergere, qui vous peut d’un clin d’œil, si vous m’aimez, rendre le plus malheureux qui aime. –