quelquefois mal, et qu’elle ne vous rie, qu’elle ne parle à vous, et ne vous reçoive comme decoustume, vous voilà aux plaintes et aux pleurs ; mais je dis plaintes, dont vous luy remplissez tellement les oreilles, que pour se racheter de ces importunitez, elle est forcée de se contraindre. Et quelque fois qu’elle voudra estre seule, et se resserrer pour quelque temps en ses pensées, elle sera contrainte de vous voir, vous entretenir, et vous faire mille contes, pour vous contenter. Vous semble-t’il que cela soit un bon moyen pour se faire aimer ? tant s’en faut, en amour comme en toute autre chose, la mediocrité est seulement louable, si bien qu’il faut aimer mediocrement pour eviter toutes ces fascheuses importunitez. Mais encor n’est-ce pas assez ; car pour plaire, il ne suffit pas que l’on ne desplaise point, il faut avoir encor quelques attraits qui soient aimables, et cela c’est estre joyeux, plaisant, avoir tousjours à faire quelque bon conte, et sur tout n’estre jamais muet devant elle. C’est ainsi, Silvandre, qu’il faut obliger une bergere à nous aimer, et que nous pouvons acquerir ses bonnes graces. Or voyez, ma maistresse, si je n’y suis maistre passé et quel estat vous devez faire de mon affection. Elle vouloit respondre, mais Silvandre l’interrompit, la suppliant de luy permettre de parler. Et lors il interrogea Hylas de ceste sorte : Qu’est-ce, berger, que vous desirez le plus quand vous aimez ? D’estre aimé, respondit Hylas. – Mais, répliqua Silvandre, quand vous estes aimé, que souhaittez-vous de ceste amitié ? – Que la personne que j’aime, dit Hylas, fasse plus d’estat de moy que de tout autre, qu’elle se fie en moy, et qu’elle tasche de me plaire. – Est-il possible, reprit alors Silvandre, que pour conserver la vie, vous usiez du poison ? Comment voulez-vous qu’elle se fie en vous, si vous ne luy estes
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