vray de son humeur, pensa, ou que Tircis lui en eust dist quelque chose, ou qu’il le devoit avoir cogneu ailleurs ; et pour ce, tout estonné : Berger, luy dit-il, m’avez-vous veu autrefois, ou qui vous a appris ce que vous dites de moy ? – Je ne vous vy jamais, dit Silvandre. Mais vostre phisionomie et vos discours me font juger ce que je dis ; car malaisément peut-on soupçonner en autruy un deffaut, duquel on est entierement exempt. – II faut donc, respondit Hylas, que vous ne soyez point du tout exempt de ceste circonstance que vous soupçonnez en moy. – Le soupçon, repliqua Silvandre, naist ou de peu d’apparence, ou d’une apparence qui n’est point du tout, sinon en nostre imagination, et c’est celuy-là qu’on ne peut avoir d’autruy sans estre entaché. Mais ce que j’ay dit de vous, ce n’est pas un soupçon, c’est une asseurance. Appellez-vous soupçon, de vous avoir ouy dire que vous aviez aymé Laonice ? Et puis quittant celle-là pour ceste seconde, dit-il, qui estoit hier avec elle, vous les avez en fin changées toutes deux pour Phillis, que vous laisserez sans doute pour la premiere venue, de qui les yeux vous daigneront regarder.
Tircis qui les oyoit ainsi discourir, voyant que Hylas demeuroit vaincu, prit la parole de ceste sorte : Hylas, il ne faut plus se cacher, vous estes descouvert, ce berger a les yeux trop clairs pour ne voir les taches de vostre inconstance. Il faut advouer la verité ; car, si vous combatez contre elle, outre qu’en fin vous serez recogneu pour menteur, encore ne luy pouvant resister, d’autant que rien n’est si fort que la verité, vous ne ferez que rendre preuve de vostre foiblesse : Confessez donc librement ce qui en est, et afin de vous donner courage, je veux commencer. Sçachez, gentil berger, qu’il est vray que Hylas est le plus inconstant, le plus desloyal, et le plus traistre envers