Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/377

Cette page n’a pas encore été corrigée

que toutesfois je leur sois presque incogneu. Mais pour amender cette erreur, je me resous de faire mieux à l’advenir, et de vous pratiquer autant, que j’en ay esté sans raison trop esloigné par le passé. Et en disant ces dernieres paroles, il se tourna vers la nymphe : Et vous, ma sœur, encor que je sois venu pour vous chercher, toutesfois vous ne laisserez, dit-il, de vous en aller seule ; aussi bien n’y a-t-il guiere loing d’icy chez Adamas, car quant à moy je veux demeurer jusques à la nuict avec ceste belle compagnie. – Je voudrois bien, dit-elle, en pouvoir faire de mesme, mais pour ceste heure je suis contrainte d’achever mon voyage. Bien suis-je résolue de donner tellement ordre à mes affaires, que je pourray aussi bien que vous vivre parmy elles, car je ne croy point qu’il y ait vie plus heureuse que la leur.

Avec quelques autres semblables propos, elle prit congé de ces belles bergeres, et apres les avoir embrassées fort estroittement, elle leur promit encores de nouveau de les venir revoir bien tost, et puis partit si contente, et satisfaicte d’elles, qu’elle resolut de changer les vanitez de la Cour à la simplicité de ceste vie. Mais ce qui l’y portoit d’avantage, estoit qu’elle avoit dessein de faire sortir Celadon hors des mains de Galathée, et croyoit qu’il reviendroit incontinent en ce hameau, où elle faisoit deliberation de le pratiquer sous l’ombre de ces bergeres. Voilà quel fut le voyage de Leonide, qui vit naistre deux amours tres grandes, celle de Silvandre, sous la fainte gageure, ainsi que nous avons dit, et celle de Paris, ainsi que nous dirons, envers Diane. Car, depuis ce jour, il en devint tellement amoureux, que pour estre familierement aupres d’elle, il quitta la vie qu’il avoit accoustumé, et s’habilla en berger, et voulut estre nommé tel