Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/376

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’abord bien empesché à cacher cette surprise. Toutesfois, apres les premieres salutations, apres luy avoir dit ce qui le conduisoit vers elle : Ma sœur, luy dit-il, car Adamas vouloit qu’ils se nommassent frere et sœur, où avez-vous trouvé ceste belle compagnie ? – Mon frere, luy respondit-elle, il y a deux jours que nous sommes ensemble, et si je vous asseuré que nous ne nous sommes point ennuyées. Celle-cy, luy monstrant Astrée, est la belle bergere dont vous avez tant ouy parler pour sa beauté, car c’est Astrée, et celle-cy, luy monstrant Diane, c’est la fille de Bellinde et de Celion, et l’autre c’est Phillis, et ce berger, c’est l’incogneu Silvandre, de qui toutesfois les merites sont si cogneus, qu’il n’y a celuy en ceste contrée qui ne les ayme. – Sans mentir, dit Paris, mon pere avoit tort d’avoir peur que vous fussiez mal accompagnée, et s’il eust sceu que vous l’eussiez esté si bien, il n’en eust pas tant esté en inquietude. – Gentil Paris, dit Silvandre, une personne qui a tant de vertus qu’a ceste belle nymphe, ne peut jamais estre mal accompagnée. -Et moins encores, respondit-il, quand elle est entre tant de sages et belles bergeres.

Et en disant ce mot, il tourna les yeux sur Diane, qui presque se sentant semondre respondit : II est impossible, courtois Paris, que l’on puisse adjouster quelque chose à ce qui est accomply. – Si est-ce, repliqua Paris, que selon mon jugement, j’aymerois-mieux estre avec elle tant que vous y seriez, que quand elle sera seule. – C’est vostre courtoisie, respondit-elle, qui vous fait user de ces termes à l’avantage des estrangeres. – Vous ne sçauriez, respondit Paris, vous nommer estrangeres envers moy, que vous ne me disiez estranger envers vous, qui m’est un reproche, dont j’ay beaucoup de honte, parce que je ne puis qu’estre blasmé d’estre si voisin de tant de beautez, et de tant de merites, et