la garde de deux lyons, et de deux licornes, qu’il y avoit enchantées, et que le sortilege ne pouvoit se rompre qu’avec le sang et la mort du plus fidelle amant, et de la plus fidelle amante, qui fut oncques en ceste contrée.
Dieu sçait si ceste nouvelle me r’apporta de l’ennuy, me voyant presque hors d’esperance de ce que je desirois. Toutesfois considerant que c’estoit ce païs que le Ciel avoit destiné pour me faire recognoistre mes parents, je pensay qu’il estoit à propos d’y demeurer, et que peut-estre ces ridelles en amour se pourroient en fin trouver ; mais certes, c’est une marchandise si rare, que je ne l’ose presque plus esperer. Avec ce dessein je me resolus de m’habiller en berger, à fin de pouvoir vivre plus librement parmi tant de bonnes compagnies, qui sont le long de ces rives de Lignon, et pour n’y estre point inutilement, je mis tout le reste de l’argent que j’avois, en bestail, et en une petite cabane, où je me suis depuis retiré. Voilà, belle Leonide, ce que vous avez desiré sçavoir de moy, et voilà le payement de Phillis, pour la place qu’elle m’a vendue ; que d’oresnavant doncques, ô ma belle maistresse, elle n’ait plus la hardiesse de la prendre, puis qu’elle l’a donnée à si bon prix.
Je suis tres-aise, respondit Leonide, de vous avoir ouy raconter cette fortune, et vous diray que vous devez bien esperer de vous, puis que les dieux par leurs oracles vous font paroistre d’en avoir soing ; quant à moy, je les en prie de tout mon cœur. – Et moy non, reprit Phillis, en gaussant ; car s’il estoit cogneu, peut-estre que le merite de son pere lui feroit avoir nostre maistresse, estant tout certain que les biens et l’alliance peuvent plus aux mariages, que le mente propre, ny l’amour. –