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qui me raviroit hors de moy, de trop de satisfaction. Et toutesfois, si celuy qui se taist monstre de consentir à ce qu’il ouyt, pourquoy ne puis-je dire que ma belle maistresse advoue que je l’aime, puis que sans y contredire elle oyt ce que je dis ? – Si l’amour, repliqua Phillis, consiste en paroles, vous en avez plus que le reste des hommes ensemble : car je ne croy pas que pour mauvaise cause que vous ayez, elles vous deffaillent jamais.

Leonide prenoit un plaisir extreme aux discours de ces bergeres, et n’eust esté la peine, en quoy le mal de Céladon la tenoit, elle eust demeuré plusieurs jours avec elles. Mais quoy qu’elle sceust qu’il estoit hors de fievre, si ne laissoit-elle de craindre qu’il ne retombast ; cela fut cause qu’elle les pria de prendre avec elle le chemin de Laignieu, jusques à la riviere, pource qu’elle jouyroit plus long temps de leur entretien. Elles le lui accorderent librement, car, outre que la courtoisie le leur commandoit, encores se plaisoient-elles fort en sa compagnie. Ainsi donc, prenant Diane d’un costé, et Astrée de l’autre, elle s’achemina vers la Bouteresse. Mais Silvandre fut bien trompé, qui de fortune s’estoit trouvé plus esloigné de Diane que Phillis, de sorte qu’elle avoit pris la place qu’il desiroit ; de quoy Phillis toute glorieuse s’alloit mocquant du berger, disant que sa maistresse pouvoit aisément juger qui estoit plus soigneux de la servir. Elle doit donner cela, respondit-il, à vostre importunité, et non pas à votre affection ; car si vous l’aimiez, vous me laisseriez la place que vous avez. – Ce seroit plustost signe du contraire, dit Phillis, si j’en laissois approcher quelqu’autre plus que moy ; car si la personne qui aime, desire presque se transformer en la chose aimée, plus on s’en peut approcher, et plus on est pres de la perfection de ses desirs. – L’amant, respondit Silvandre,