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qu’il n’y a point deux jours que je le trouvay gravant desvers sur l’escorce de ces arbres, qui sont par delà la grande prairie à main gauche du bié et m’asseure que si vous y daignez tourner les yeux vous remarquerez que c’est luy qui les y a couppez ; car vous recognoissez trop bien ses caracteres si ce n’est qu’oublieuse de luy et de ses services passez, vous ayez de mesme perdu la memoire de tout ce qui je touche, mais je m’asseure que les dieux ne je permettront pour sa satisfaction, et pour vostre punition. Les vers sont tels :


Madrigal

Je pourray bien dessus moy mesme.
Quoy que mon amour soit extresme,
Obtenir encor ce Point,
De dire que je n’ayme point.

Mais feindre d’en aymer un’autre,
Et d’en adorer l’oeil vainqueur
Comme en effet e fay le vostre,
 Je n’en sçaurois avoir le cœur.
Et s’il le faut, ou que je meure,
Faites moy mourir de bonne heure.

Il peut y avoir sept ou huict jours, qu’ayant este contraint de m’en aller pour quelque temps sur les rives de Loire, pour response il m’escrivit une lettre que je veux que vous voyez, et si en la lisant vous ne recognoissez son innocence, je veux croire qu’avec vostre bonne volonte vous avez perdu pour luy toute espece de jugement. Et lors la prenant en sa poche, la luy leut. Elle estoit telle :


Response de Celadon à Lycidas

Ne t’enquiers plus de ce que je fais, mais sçache que je continue tousjours en ma peine ordinaire. Aimer et ne l’oser