ont esté les coups. – O mort ! s’escria Tircis, qui m’as desrobé le meilleur de moy, ou rends moy ce que tu m’as osté, ou emporte le reste.
Et lors, pour donner lieu aux larmes et aux sanglots, que ce ressouvenir luy arrachoit du cœur, il se teut pour quelque temps, quand Silvandre luy respresenta qu’il devoit s’y resoudre, puisqu’il n’y avoit point de remede, et qu’aux choses advenues, et qui ne pouvoient plus estre, les plaintes n’estoient que tesmoignages de foiblesse. Tant s’en faut, dit Tircis, c’est en quoy je trouve plus d’occasion de plainte, car s’il y avoit quelque remede, le plaindre ne seroit pas d’homme advisé ny de courage ; mais il doit bien estre permis de plaindre ce à quoy on ne peut trouver aucun autre allegement. Lors Laonice reprenant la parole, continua de ceste sorte : En fin ceste heureuse bergere estant morte, et Tircis luy ayant rendu les derniers offices d’amitié, il ordonna qu’elle fust enterrée aupres de sa mere. Mais la nonchalance de ceux à qui il dona ceste charge, fut telle, qu’ils la mirent ailleurs ; car quant à luy, il estoit tellement affligé, qu’il ne bougeoit de dessus un lict, sans que rien luy conservast la vie, que le commandement qu’elle luy en avoit fait. Quelques jours apres, s’enquerant de ceux qui le venoient voir, en quel lieu ce corps tant aimé avoit esté mis, il sceut qu’il n’estoit point avec celuy de la mere : dont il receut tant de desplaisir, que convenant d’une grande somme avec ceux qui avoient accoustumé de les enterrer, ils luy promirent de l’oster de là où il estoit, et le remettre avec sa mere. Et de fait ils s’y en allerent, et ayans descouvert la terre,ils le prindrent antre trois ou quatre qu’ils estoient ; mais l’ayant portée quelques pas, l’infection en estoit si grande, qu’ils furent contraints de le laisser à