point atteinte ny d’ingratitude ny de mescognoissance. Il est vray que quand je considere, quelles sont les obligations que je vous ay, je juge bien que le Ciel est tres juste de m’oster de ce monde, puis qu’aussi bien, quand j’y vivrois autant de siecles que j’ay de jours, je ne sçaurois satisfaire à la moindre du nombre infiny que vostre affection m’a produitte. Recevez donc pour tout ce que je vous dois, non pas un bien égal, mais ouy bien tout celuy que je puis, qui est un serment que je vous fay, que la mort ne m’effacera jamais la memoire de vostre amitié, ny le desir que j’ay de vous en rendre toute la recognoissance, qu’une personne qui aime bien, peut donner à celle à qui elle est obligée.
Ces mots furent proferez avec beaucoup de peine, mais l’amitié qu’elle portoit au berger, luy donna la force de le pouvoir dire, ausquels Tircis respondit : Ma belle maistresse, malaisément pourrois-je croire de vous avoir obligée, ny de le pouvoir jamais faire, puisque ce que j’ay fait jusques icy, ne m’a pas encores satisfait. Et quand vous me dites que vous m’avez de l’obligation, je voy bien que vous ne cognoissez la grandeur de l’amour de Tircis, autrememt vous ne penseriez pas, que si peu de chose fust capable de payer le tribut d’un si grand devoir. Croyez, belle Cleon, que la faveur que vous m’avez faite d’avoir eu agreables les services que vous dittes que je vous ay rendus, me charge d’un si grand faix, que mille vies et mille semblables occasions ne sçauroient m’en descharger. Le Ciel qui ne m’a fait naistre que pour vous, m’accuseroit de mescognoissance, si je ne vivois à vous, et si j’avois quelque dessein d’employer un seul moment de ceste vie, ailleurs qu’à vostre service.
Il vouloit continuer, lors que la beregre, atteinte