Tircis, que je ne vous cognoissois pas. Et pour satisfaire à la demande que vous m’avez faite, parce que le discours en est long, s’il vous plaist, je le vous raconteray, quand vous aurez repris vos places sous ces arbres comme vous estiez, quand nous sommes arrivez.
Silvandre alors se tournant vers Diane : Ma maistresse, dit-il, vous plaist-il de vous r’asseoir ? – C’est à Leonide, respondit Diane, à qui vous le deviez avoir demandé. – Je sçay bien, respondit le berger, que la civilité me le commandoit ainsi, mais amour me l’a ordonné d’autre sorte.
Leonide prenant Diane et Astrée par la main, s’assit au milieu, disant que Silvandre avoit eu raison, parce que l’amour, qui a autre consideration que de soy-mesme, n’est pas vray amour, et apres elles les autres bergeres et bergers s’assirent en rond. Et lors Tircis, se tournant vers la bergere, qui estoit avec luy : Voicy le jour heureux, dit-il. Laonice, que nous avons tant desiré, et que depuis que nous sommes entrez en ceste contrée, nous avons attendu avec tant d’impatience. Il ne tiendra plus qu’à vous, que nous ne sortions de cette peine, ainsi qu’a ordonné l’Oracle.Alors la bergere, sans luy faire autre response, s’adressa à Silvandre, et luy parla de cette sorte :
Histoire de Tircis et de Laonice
De toutes les amitiez il n’y erra point, à ce que j’ay ouy dire, qui puissent estre plus affectionnées, que celles qui naissent avec l’enfance, parce que la coustume que ce jeune aage prend, va peu à peu se changeant en nature, de laquelle s’il est mal-aisé de se despouiller, ceux le sçavent qui luy veulent contrarier. Je dis cecy pour me servir en quelque sorte d’excuse, lors, gentil berger, que vous me verrez contrainte de vous dire que j’ayme