tous les beregrs, qui sont moins de luy, devoient estre mesprisez, je ne sçay qui seroit celuy de qui il faudroit faire cas. – Volià, Diane, respondit Phillis, les premiers coups, dont vous le surmontez, sans doute il est à vous. C’est la coustume de ces esprits hagards et farouches, de se laisser surprendre aux premiers attraits, d’autant que n’ayant accoustumé telles faveurs, ils les reçoivent avec tant de goust, qu’ils n’ont point de resistance contre elles. Phillis disoit ces paroles en se mocquant; si advint-il toutesfois que ceste gratieuse deffense de Diane fit croire au berger qu’il estoit obligé à la servir par les loix de la courtoisie. Et dés lors ceste opinion, et les perfections de Diane eurent tant de pouvoir sur luy, qu’il conceut ce germe d’amour, que le temps et la pratique acreuerent comme nous dirons cy apres.
Ceste dispute dura quelque temps entre ces bergeres, avec beaucoup de contentement de Leonide, qui admiroit leur gentil esprit. Phillis en fin se tournant vers le berger, luy dit: Mais à quoy servent tant de paroles? S’il est vray que vous soyez tel, venonsen à la preuve, et me dites, quelle bergere fait particulierement estat de vous? – Celle, respondit le berger, de qui vous me voyez faire estat particulierement. – Vous voulez dire, adjousta Phillis, que vous n’en recherchez point, mais cela procede de faute de courage. – Plustost, repliqua Silvandre, de faute de volonté. Et puis continuant : Et vous qui me mesprisez si fort, dites-nous quel berger est-ce qui vous aime particulierement ? – Tous ceux qui ont de l’esprit et du courage, respondit Phillis, car celuy qui void ce qui est aimable sans l’aimer, a faute d’esprit ou de courage. – Ceste raison, dit Silvandre, vous oblige donc à m’aimer, ou vous accuse de grands deffauts ; mais ne parlons point si generalement, et particularisez nous quelqu’un