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bien aise de le faire parler, A quoy il respondit : Vostre creance sera telle qu’il vous plaira ; si m’advouerez-vous, que pour cet effet il vous deffaut une des principales parties. – Et laquelle ? dit Diane. – La volonté, repliqua-t’il, car vostre volonté est si contraire à cet effect – ... que, dit Phillis, en l’interrompant, jamais Silvandre ne le fut d’avantage à l’amour.

Le berger l’oyant parler, se retira vers Astrée, disant que lon luy faisoit supercherie, et que c’estoit l’outrager que de se mettre tant contre luy. L’outrage, dit Diane, s’adresse tout à moy ; car ceste bergere, me voyant aux mains avec un si fort ennemy, et faisant un sinistre jegement de mon courage et de ma force, m’a voulu ayder. – Ce n’est pas, dit-il, en cela, belle bergere, qu’elle vous a offensée, car elle eust eu trop peu de jugement, si elle n’eust creu vostre victoire certaine ; mais c’est que, me voyant desja vaincu, elle a voulu vous en desrober l’honneur, en essayant de me donner un coup sur la fin du combat, mais je ne sçay comme elle l’entend, car si vous ne vous en meslez plus, je vous asseure qu’elle n’aura pas si aisément ceste gloire, qu’elle pense.

Phillis qui de son naturel estoit gaye, et qui ce juor avoit resolu de faire passer le temps à Leonide, luy respondit avec un certain haussement de teste: Il est bon là, Silvandre, que vous ayez opinion que de vous vaincre soit quelque chose de desirable, ou d’honorable pour moy; moy, dis-je, qui mettrois cette victoire entre les moindres que j’obtins jamais. – Si ne la devez-vous pas tant mespriser, dit le berger, quand ce ne seroit que pour estre la premiere qui m’auroit vaincu. – Autant, repliqua Phillis, qu’il y a d’honneur d’estre la premiere en ce qui a du merite, autant y a-t’il de honte en ce qui est au contraire. – Ah ! beregre, interrompit Diane, ne parlez point ainsi de Silvandre ; car si