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peine y sera bien employée.

Cependant l’eau sortoit en telle abondance, que le berger estant fort allege, commenca à respirer, non toutesfois qu’il ouvrit les yeux, ny qu’il revint entierement. Et parce que Galathée eut opinion que c’estoit cestuy-cy, dont le druyde luy avoit parle, elle mesme commenca d’ayder à ses compagnes, disant qu’il le falloit porter en son palais d’Isoure, où elles le pourroient mieux faire secourir. Et ainsi, non point sans peine, elles le porterent jusques où le petit Meril gardoit leur chariot, sur lequel montant toutes trois, Leonide fut celle qui les guida, et pour n’estre veues avec ceste proye par les gardes du palais, dies allerent descendre à une porte secrette.

Au mesme temps, qu’elles furent parties, Astrée revenant de son esvanouissement tomba dans l’eau, comme nous avons dit, si bien que Lycidas, ny ceux qui vinrent chercher Celadon, n’en eurent autres nouvelles que celles que j’ay dites, par lesquelles Lycidas n’estant que trop asseure de la perte de son frere, s’en revenoit pour se plaindre avec Astrée de leur commun desastre. Elle ne faisoit que d’arriver sur le bord de la riviere, où contrainte du desplaisir elle s’estoit assise autant pleine d’ennny et d’estonnement, qu’elle l’avoit peu auparavant este d’inconsideration, et de jalousie. Elle estoit seule, car Phillis voyant revenir Lycidas, estoit allée chercher des nouvelles comme les autres. Ce berger arrivant, et de lassitude, et de desir de sçavoir comme ce malheur estoit advenu, s’assit pres d’elle, et la prenant par la main, luy dit : Mon Dieu, belle bergere, quel malheur est le nostre  ! Je dis le nostre : car si j’ay perdu un frere, vous avez aussi perdu une personne qui n’estoit point tant à soy mesme qu’à vous. Ou qu’Astrée fut ententive ailleurs, ou que ce discours luy ennuyast, elle n’y fit point de responce, dont Lycidas estonne,