prenant Diane d’une main et Astrée de l’autre, elles sortirent, et avec plusieurs discours parvinrent jusques à un bois, qui s’alloit estendant jusque sur le bord de Lignon, et là pour avoir plus d’humidité, s’espaississoit d’avantage, et rendoit le lieu plus champestre. A peine furent-elles assises, qu’elles ouyrent chanter assez pres de là, et Diane fut la premiere qui en recogneut la voix, et se tournant vers Leonide : Grande nymphe, luy dit-elle, prendrez-vous plaisir d’ouyr discourir un jeune berger, qui n’a rien de villageois que le nom, et l’habit ? car ayant tousjours esté nourry dans les grandes villes, et parmy les personnes civilisées, il ressent moins nos bois, que tout autre chose. – Et qui est-il ? respondit Leonide. – C’est, repliqua Diane, le berger Silvandre, qui n’est parmy nous, que depuis vingt-cinq ou trente lunes. – Et de quelle famille est-il? Dit la nymphe. – Il seroit bien mal-aisé, adjousta Diane, de le vous pouvoir dire, car il ne sçait luy mesme qui est son pere et sa mere, et a seulement quelque legere cognoissance qu’ils sont de Forests ; et à ceste occasion, lors qu’il a peu, il y est revenu, avec resolution de n’en plus partir. Et à la verité, nostre Lignon y perdroit beaucoup, s’il s’en alloit, car je ne crois pas que de longtemps il y vienne berger plus accomply. – Vous le louez trop, respondit la nymphe, pour ne me donner point envie de le voir: allons nous en l’entretenir. – S’il vous apperçoit, dit Diane, et qu’il ait opinion de ne vous estre ennuyeux, il ne faillira point de venir bien tost vers vous.
Et il advint comme elle le disoit, car de fortune le berger qui se promenoit, les appercevant, tourna incontinent ses pas vers elles, et les salua ; mais parce qu’il ne cognoissoit point Leonide, il faisoit semblant de vouloir continuer son chemin, lors que Diane luy dit : Est-ce ainsi, Silvandre, que l’on vous a enseigné