qu’il y avoit quelque temps qu’il s’estoit noyé dans Lignon. Et son frere Lycidas, dit-elle, est-il marié ? – Non point encor, dit Diane; et ne croy pas qu’il en ait beaucoup de haste, car le desplaisir de son frere luy est encor trop vif en la memoire. – Et par quel malheur, adjousta Leonide, se perdit-il ? – Il voulut, dit Diane, secourir ceste bergere qui y estoit tombée avant que luy. Et lors elle monstra Astrée.
La nymphe qui sans en faire semblant, prenoit garde aux actions d’Astrée, voyant qu’à ceste memoire elle changeoit de visage, et pour dissimuler ceste rougeur, elle mettoit la main sur ses yeux, cogneut bien qu’elle l’amoit à bon escient, et pour en découvrir d’avantage, continua : Et n’en a-t-on jamais retrouvé le corps? – Non, dit Diane, et seulement son chappeau fut recognu, qui s’estoit arresté à quelques arbres, que le courant de l’eau avoit desracinez. Phillis qui cogneut que si ce discours continuoit plus outre, il tireroit les larmes des yeux de sa compagne qu’elle avoit desja beaucoup de peine à retenir, afin de l’interrompre : Mais, grand nymphe, luy dit-elle, quelle bonne fortune pour nous a esté celle qui vous a conduitte en ce leiu ? – A mon abord, dit Leonide, je la vous ay dicte : ç‘a seulement esté pour avoir le bien de vostre cognoissance, et pour faire amitié avec vous, desirant d’avoir le plaisir de vostre compagnie. – Puis que cela est, reprit Phillis, si vous le trouvez bon, il seroit à propos de sortir comme de coustume à nos exercices accoustumez ; et par ainsi vous auriez plus de cognoissance de nostre façon de vivre, et mesme, si vous permettez, d’user devant vous de la franchise de nos villages. – C’est, dit Leonide, de quoy je voulois vous requerir ; car je sçay que la contrainte n’est jamais agreable, et je ne viens pas icy pour vous desplaire. De ceste corte, Leonide