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tout ce que je viens de vous raconter, et puis continua de ceste sorte : Or ce que je veux de vous pour satisfaction de vostre promesse, c’est que recognoissant l’extreme affection que je vous porte, vous me receviez pour vostre femme, et je feray espouser Diane à mon cousin Amidor, que mon pere avoit expressement eslevé dans sa maison pour ce subjet. Et là dessus elle adjousta tant de paroles pour la persuader, que Callirée estonnée plus que je ne vous sçaurois dire, eut le loisir de revenir à soy, et luy respondre, que sans mentir elle luy avoit raconté de grandes choses, et telles que mal-aisément les pourroit-elle croire, si elle ne les asseuroit d’autre façon que par paroles. Elle, alors se desboutonnant, se descouvrit le sein : L’honnesteté, luy dit-elle, me deffend de vous en monstrer d’avantage, mais cela, ce me semble, vous doit suffire.

Callirée alors pour avoir loisir de se conseiller avec nous, fit semblant d’en estre fort aise, mais qu’elle avoit des parents, dont elle esperoit tout son avancement, et sans l’advis desquels elle ne feroit jamais une resolution de telle importance, et sur tout, qu’elle la supplioit de tenir ceste affaire secrette ; car, la divulguant, ce ne seroit que donner sujet à plusieurs de parler, et qu’elle l’asseuroit dés lors, que quand il n’y resteroit que son consentement, elle luy donneroit cognoissance de sa bonne volonté. Avec semblables propos elle finirent leur promenoir, et revindrent au logis, où de tout le jour, Callirée n’osa nous accoster, de peur que Filidas n’eust opinionqu’elle nous en parlast ; mais le soir elle raconta à son frere tous ces discours, et puis tous deux allerent trouver Daphnis, à laquelle ils les firent entendre. Jugez si l’estonnement fut grand ; mais qu’il peut estre, le contentement de Filandre le surpassoit de beaucoup, luy semblant que le Ciel luy