pas peu empeschée en ceste occasion, car au commencement je ne pouvois la recevoir en ses excuses. En fin elle me tourna de tant de costez, et me sceut tellement deguiser ceste affection, que je luy promis d’oublier le desplaisir qu’elle m’avoit fait, jurant toutesfois, quant à Filandre, que je ne le verrois jamais. Et je croy qu’il s’en fust allé sans me voir, ne me pouvant supporter courroucée, n’eust esté le danger où il craignoit que Callirée tombast, car elle avoit à faire à un mary, qui estoit assez fascheux. Ce fust ceste consideration qui le retint, mais sans bouger du lict, faignant d’estre malade. Cinq ou six jours se passerent sans que je le voulusse voir, quelque raison que Daphnis me peust alleguer pour luy, et n’eust esté que je fus advertie que Filidas revenoit et Callirée aussi, je ne l’eusse veu de long temps.
Mais la crainte que j’eus que Filidas ne s’en prist garde, et que ce qui estoit si secret, ne fust divulgué par toute la contrée, me fit resoudre à le voir, avec condition, qu’il ne me feroit point de semblant de ce qui s’estoit passé, n’ayant pas assez de force sur moy, pour m’empescher de ne donner quelque cognoissance de mon desplaisir. Il le promit, et le tint ; car à peine oisoit-il tourner les yeux vers moy, et quand il le faisoit, c’estoit avec une certaine soubmission, qui ne m’asseuroit pas peu de son extreme amour. Et de fortune, incontinent apres que j’y fus entrée, Filidas, Amior, et le dissimulé Filandre arriverent dans la chambre, de qui les fenestres fermées donnerent assez bonne commodité de cacher nos visages. Filandre avoit adverty sa sœur de tout ce que luy estoit advenu, et cela avoit esté cause que le sejour de Filidas n’avoit pas esté si long, qu’il en avoit fait dessein ; car elle, disant que sa sœur estoit malade, les contraignit de s’en retourner.
Mais ce discours seroit trop