ouy : O dieux ! dit-il, quel supplice effacera ma faute ? Ah ! Daphnis, je n’eusse jamais attendu cette trahison de vous. Et à ce moment il s’en alla courant par le jardin comme une personne insensée, quoy qu’elle l’appellast deux ou trois fois par le nom de Callirée. Mais craignant d’estre ouye de quelqu’autre, et plus encore que le desespoir ne fist faire à Filandre quelque chose de mal à propos en sa personne, elle me laissa seule, et se mit à le suivre, me disant toute en colere en partant : Vous verrez, Diane, que si vous traittez mal Filandre, peut-estre vous ruinerez-vous de sorte, que vous en ressentirez le plus grand desplaisir. Si je fus estonnée de cet accident, jugez-le, belles bergeres, puisque je ne sçavois pas mesme m’en retourner. En fin apres avoir repris un peu mes esprits, je cherchay de tant de costez, que je revins en ma chambre, où m’estant remise au lict toute tremblante, je ne peus clorre l’œil de toute la nuict.
Quant à Daphnis, elle chercha tant Filandre, qu’en fin elle le rencontra plus mort que vif, et apres l’avoir tancé de n’avoir sceu se prevaloir d’une si favorable occasion, et toutesfois l’avoir asseuré que je n’estois point si estonnée de cet accident que luy, elle le remit un peu, et le r’asseura en quelque sorte, non point toutesfois tellement que le lendemain il eust la hardiesse de sortir de sa chambre. Moy d’autre costé, infiniment offensée contre tous deux, je fus contrainte de tenir le lict, pour ne donner cognoissance de mon desplaisir à ceux qui estoient autour de nous, et particulierement à la niepce de Gerestan. Mais de bonne fortune elle n’estoit pas plus spirituelle que de raison, de sorte que nous luy cachasmes aisément ce mauvais mesnage, ce qui nous eust esté presque impossible, et mesme à Filandre, autour duquel elle demeuroit ordinairement.
Daphnis ne se trouva