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ne croy pas qu’elle ne vous fist compassion, et vous supplie que sans qu’elle le sçache, vous la veniez escouter une nuict. Je le luy promis fort librement, et luy dis que ce seroit bientost ; car Filidas m’avoit dit le soir auparavant, qu’elle vouloit visiter Gerestan, et faire amitié avec luy. Quelques jours apres, Filidas selon son dessein, emmenant Amidor avec luy, partit pour aller voir Gerestan, ayant resolu de ne revenir de sept ou huict jours apres, afin de luy faire parositre plus d’amitié, et ce sejour nous vint fort à propos, car s’il eust esté en la maison, mal-aisément luy eussions nous peu cacher le trouble en quoy nous fusmes. Or le mesme jour du depart, Filandre, suivant sa coustume, ne manqua pas de descendre au jardin à moitié déshabillé, lors qu’il creut que chacun estoit endormy. Au contraire, Daphnis, qui s’estoit couchée la premiere, aussi tost qu’elle le vid sortir, se depescha de me le venir dire, et me mettant hastivement une robe dessus, je la suivis assez viste, jusques à ce que nous fusmes dans le jardin. Mais lors qu’elle eut remarqué où il estoit, elle me fit signe d’aller au petit pas apres elle, et quand nous nous en fusmes approchées, de sorte que nous le pouvions ouyr, nous nous assismes en terre, et incontinent apres, j’ouys qu’il disoit : Mais à quoy toute ceste patience ? à quoy tous ces dilayements ? Ne faut-il pas que tu meures sans secours, ou que tu descouvres ta blessure au chirurgien qui la peut guerir ? Et là s’arrestant pour quelque temps, il reprenoit ainsi avec un grand souspir : Ne dis-tu pas, ô fascheuse crainte, qu’elle nous bannira de sa presence ? et qu’elle nous ordonnera une mort desesperée ? Et bien, si nous mourons, ne nous sera-ce pas beaucoup de soulagement d’abreger une si miserable vie que la nostre, et mourant satisfaire à l’offense