au mesme supplice tout celuy que je pourray meriter, en vous aimant le reste de ma vie, car il est impossible, que je vive sans vous aimer. Et ne croyez point que le mescontentement de Gerestan m’en puisse jamais divertir : celuy qui ne craint ny les hazards, ny la mort mesme, ne redoutera jamais un homme. Mais quant à ce qui vous touche, j’advoue que j’ay failly en faisant quelque comparaison de vous à Diane, estant, sans doute, mal proportionnée de son costé. Il est vray que ce n’a pas esté comme de chose esgale, mais comme du moindre au plus grand, et ayant eu opinion que ce que vous ressentiez, vous donneroit plus de cognoissance de ma peine, j’ay commis ceste erreur, en laquelle, si vous me pardonnez, je proteste de ne retomber jamais.
Filandre qui m’aimoit à bon escient, et qui avoit eu opinion qu’Amidor en fist de mesme, eust mal-aisément supporté d’ouyr parler de moy avec tant de mespris, s’il n’eust eu dessein de descouvrir ce qui en estoit ; mais desirant de s’en eclaircir, et luy semblant d’en avoir rencontré une fort bonne occasion, il eut tant de puissance sur soy-mesme, que sans luy en faire semblant, il luy dit : Comment ?est-il possible, Amidor, que vostre bouche profere des paroles que vostre cœur desment si fort ? Pensez-vous que je ne sçache pas bien que vous dissimulez ?et que dés long temps vostre affection est toute pour Diane ? – Mon affection ! repliqua-t’il comme surpris, que jamais personne ne me puisse aimer, si j’aime autre bergere que vous ! Je ne dis pas qu’autresfois je n’ay esté de ses amis ; mais son humeur inesgale, tantost toute de feu, tantost toute de glace, m’en a tellement retiré, qu’à ceste heure elle m’est indifferente. – Et comment, dit Filandre, m’osez-vous parler ainsi, puis que je sçay qu’en verité elle vous a aimé et