beauté n’a esté aimée, ou la vostre l’est de ce berger, qui est à vos genous, et qui en cest estat implore le secours de toutes les graces, pour en retirer une de vous, qu’il croit meriter, si une parfaite amour a jamais eu du merite. – Si je suis belle, repliquay-je, je m’en remets aux yeux qui me voyent sainement ; mais vous ne sçauriez nier que vous ne soyez parjure et dissimulée, et il faut, Callirée, que je die que l’asseurance dont vous me parlez en homme, me fait resoudre à ne croire jamais aux paroles, puis qu’estant fille, vous les sçavez si bien déguiser. – Et pourquoy, Diane, dit-il lors en sousriant, interrompez-vous si tost les discours de vostre serviteur ?Vous estonnez-vous qu’estant Callirée, je vous parle avec tant d’affection ?Ressouvenez-vous qu’il n’y a impuissance de condition qui m’en fasse jamais diminuer ; tant s’en faut, ce sera plustost ceste occasion, qui la conservera, et plus violente et eternelle, puis qu’il n’y a rien qui diminue tant l’ardeur du desir, que la jouissance de ce qu’on desire, et cela ne pouvant estre entre nous, vous serez jusques à mon cercueil tousjours aimée, et moy tousjours amante. Et toutesfois si Tiresias, apres avoir esté fille, devint homme, pourquoy ne puis-je esperer que les dieux me pourroient bien autant favoriser, si vous l’aviez agreable ? Croyez, ma belle Diane, puis que les dieux ne font jamais rien en vain, qu’il n’y a pas apparence qu’ils ayent mis en moi une si parfaite affection, pour m’en laisser vainement travailler, et que si la nature m’a fait naistre fille, mon amour extreme me peut bien rendre telle, que ce ne soit point inutilement.
Daphnis qui voyoit que ce discours s’alloit fort esgarant, et qu’il estoit dangereux que cest amant se laissast transporter à dire chose qui le fist descouvrir par Amidor, l’interrompit, en luy disant : C’est sans doute, Callirée, que vostre amour ne sera point esprise